Le miroir (2017)

Réalisation : Andreï Tarkovski

Objectif du plan-séquence :

Matérialiser la mémoire comme un espace fluide

  • La caméra glisse d’une pièce à l’autre, sans coupe, comme si elle suivait le fil d’une pensée ou d’un souvenir.

  • Le passage de l’intérieur à l’extérieur représente le glissement d’un souvenir intime à une mémoire collective ou historique.

  • On passe d’un univers domestique à un champ de ruines ou de purification, comme dans une vision mentale en expansion.

Représenter le monde intérieur en fusion avec la nature

  • Chez Tarkovski, les éléments naturels (vent, feu, eau, lumière) sont des symboles émotionnels. Ils ne décorent pas : ils expriment l’état intérieur des personnages.

  • Le feu dans le champ n’est pas juste un événement : c’est un état d’âme, une purge, une fièvre du souvenir, peut-être une évocation de la guerre ou de la perte.

Sculpter le temps pour créer un rêve éveillé

  • Le plan est long, lent, silencieux… Cela met le spectateur dans une posture contemplative, propice à l’introspection.

  • La continuité du plan abolit les frontières entre réel et imaginaire. On ne sait plus si l’on est dans le présent, le passé, ou dans un rêve.

L’envers du décor

Décor réel mais modifié

  • La maison est un vrai lieu rural, mais Tarkovski l’a transformée comme un théâtre : les objets, les murs, les éclairages sont arrangés avec soin.

  • Pour permettre à la caméra de circuler depuis l’intérieur jusqu’à l’extérieur, certaines murs ou cloisons ont été retirés ou construits en version mobile.

Caméra sur dolly fluide et coordination extrême

  • Le plan repose sur un système de dolly (rails de travelling), avec parfois des pans motorisés ou à la main.

  • L'équipe technique devait coordonner précisément chaque mouvement de caméra avec les entrées/sorties des personnages, la lumière et les effets naturels (comme le vent ou le feu).

  • Une erreur de synchronisation (fumée trop forte, acteur mal placé, reflet parasite) imposait de recommencer toute la séquence.

Effets naturels maîtrisés avec poésie

  • Le vent qui soulève les rideaux, les cheveux, la fumée n’est pas laissé au hasard : des ventilateurs puissants étaient placés hors champ.

  • Le feu dans le champ était un vrai feu contrôlé, filmé avec prudence, et parfois ralenti légèrement en postproduction pour amplifier l'effet hypnotique.

Lumière travaillée comme un tableau

  • Les éclairages (souvent naturels ou indirects) sont gérés avec une précision picturale, pour donner aux images un aspect quasi mystique, comme dans un rêve peint par Vermeer ou Bruegel.

Anecdote :

  • Tarkovski ne dirigeait pas ses acteurs pour “jouer” des émotions, mais leur demandait d’être présents dans un état d’“ouverture intérieure”.

  • Il appelait ces plans des “fenêtres ouvertes sur l’âme”, où le feu, le vent, les gestes et le silence parlaient mieux que les dialogues.

Durée du plan-séquence :

environ 1 minute.