Solaris (1972)

sation : Andreï Tarkovski

Objectif du plan-séquence :

Représenter le passage du monde réel au monde mental / cosmique

  • Ce long plan-séquence, filmé en voiture, marque une transition symbolique entre la Terre (monde tangible, émotionnel) et l’espace (monde froid, abstrait, mental).

  • Le fait que cette autoroute semble infinie et désincarnée, avec ses tunnels, lignes blanches, lumières artificielles, donne l'impression d'une dérive mentale — presque comme un rêve lucide ou une anesthésie.

Placer le spectateur dans un état méditatif

  • Tarkovski utilise ici la durée et la répétition pour provoquer une perte de repères temporels.

  • Il ne se passe "rien" — mais justement, cela force le spectateur à entrer dans un état contemplatif, à lâcher prise sur la narration classique.

Contraster la Terre organique avec un monde technologique glacial

  • Le jardin initial était plein de vie, de nature, d’eau. Ici, c’est le béton, la vitesse, les néons, l’asphalte, sans aucune chaleur humaine.

  • Tarkovski filme Tokyo de nuit (même si le film ne le dit jamais explicitement), ville choisie car elle représentait pour lui une vision futuriste déshumanisée — alors même que c’est censé être la "Terre".

Préparer mentalement à l’étrangeté de Solaris

  • Ce plan-séquence est comme un sas mental : avant que Kelvin n’arrive dans la station spatiale où le réel et le psychique vont se confondre, il passe par cette zone de flou existentiel.

  • C’est une sorte de purge émotionnelle pour que le spectateur accepte que la suite du film ne sera plus régie par les lois classiques du réalisme.

L’envers du décor :

Tournée à Tokyo (sans autorisation officielle)

  • Tarkovski et son équipe ont filmé en caméra embarquée depuis une voiture, à Tokyo, notamment dans les tunnels et sur les échangeurs de l’autoroute.

  • L’équipe soviétique n’a pas eu d’autorisation formelle. Le tournage a donc été rapide, discret et non annoncé.

Plans très longs, sans coupes

  • La scène est filmée en plan-séquence quasi-intégral, sans dialogue, avec une bande-son très réduite (uniquement le bruit de la route et de la voiture).

  • Cela crée une impression d’hypnose, que Tarkovski appelle lui-même une "pulsion du temps".

Pas de science-fiction visible, mais un glissement sensoriel

  • Bien qu'on s'attende à voir des éléments "sci-fi", il n’y en a aucun ici. Pourtant, c’est probablement la scène la plus "science-fictionnelle" dans l’âme du film : elle évoque l’isolement, la perte de soi, le passage à l’ailleurs.

Durée du plan-séquence :

environ 5 minutes.