La soif du mal (1958)

Réalisation : Orson Welles

Objectif du plan séquence :

Installer une tension immédiate et implacable

  • Le spectateur sait dès la première seconde qu’une bombe est cachée, mais les personnages, eux, l’ignorent.

  • Ce décalage crée un suspense redoutable, accentué par l’absence de coupe : on attend l’explosion à chaque instant.

👉 Hitchcock aurait dit que c’est « une leçon de suspense pur ».

Introduire l’espace, les personnages et les enjeux

  • Le plan nous fait découvrir la géographie du lieu (la frontière), les foules, les tensions culturelles, la chaleur.

  • Il introduit les deux personnages principaux, leur couple, et leur dialogue, sans couper la caméra.

👉 En une seule prise, Welles pose le cadre, l’atmosphère, les enjeux narratifs.

Affirmer un génie de la mise en scène

  • Ce plan est un tour de force technique : travelling complexe, travellings en grue, mouvements de foule, coordination millimétrée.

  • La caméra devient un œil omniscient, mais toujours au ras du sol, au niveau des personnages.

👉 Welles montre qu’il maîtrise l’espace, le rythme et l’anticipation visuelle.

Placer le spectateur dans une position de voyeur actif

  • On sait quelque chose que les personnages ignorent (la bombe).

  • On attend, anticipe, panique avec eux.

👉 Ce procédé renforce notre implication, tout en nous donnant un rôle complice du regard, presque culpabilisant.

L’envers du décor :

  • Le plan dure 3 minutes 20 secondes, tourné en extérieur, avec des mouvements complexes de grue.

  • Chaque élément devait être parfaitement coordonné :

    • la voiture qui avance,

    • la foule,

    • le son direct et la musique diégétique,

    • les dialogues,

    • le passage de la frontière.

  • Le premier essai a échoué car un assistant a crié "Coupez !" par erreur, ruinant une prise parfaite.
    Welles a accepté la deuxième ou troisième prise (moins fluide, mais réussie)

Anecdote :

Le studio Universal avait initialement raccourci et remonté le film sans l’avis de Welles. Plus tard, une version “restaurée” (selon un mémo de 58 pages de Welles) a tenté de respecter la vision originale, incluant ce fameux plan séquence intact.

Durée du plan séquence :

plus de 3 minutes