Code inconnu : récit incomplet de divers voyages (2000)

Réalisation : Michael Haneke

Objectif du plan-séquence :

Plonger directement dans la complexité du réel

  • La scène montre une altercation apparemment banale dans la rue : un adolescent blanc jette un papier dans les mains d’une femme rom sans-abri, un autre (Jean) intervient, la police arrive.

  • La caméra ne coupe jamais, et aucune musique ne guide l’émotion.

  • Résultat : on est confronté brutalement et sans médiation à une scène du quotidien, dans toute sa densité sociale, raciale et psychologique.

Mettre en place la logique du “récit incomplet”

  • Ce plan-séquence est un microcosme du film : des personnages se croisent, interagissent brièvement, sans qu’on comprenne tout de suite qui ils sont.

  • Il pose une question centrale du film : que voyons-nous vraiment ? Que comprenons-nous des vies des autres ?

  • Le spectateur n’a pas de point de vue dominant ou de jugement imposé.

Favoriser l’immersion et l’ambiguïté morale

  • L’absence de coupe nous empêche de prendre du recul ou de juger facilement.

  • Chacun des gestes peut être interprété de plusieurs façons, et les rôles de victime, de coupable, de témoin sont très flous.

  • Ce choix de mise en scène renforce la tension morale et émotionnelle, sans jamais l’expliquer.

Illustrer l’échec de la communication

  • L’action se déroule dans l’espace public, où plusieurs langues, statuts sociaux et intentions se heurtent.

  • Le plan-séquence montre des individus qui coexistent sans vraiment communiquer, anticipant le thème du “code inconnu” : une incapacité à décoder l’autre.

L’envers du décor

Caméra à l’épaule fluide, en légère plongée

  • La caméra suit les personnages en mouvement constant, avec des changements de focale subtils, épousant les trajectoires sans les sursignifier.

  • Le plan est tourné en décor réel, en extérieur, avec le son direct (sans post-synchronisation), ce qui renforce la naturalité brute de la scène.

Une seule prise, très chorégraphiée

  • Haneke est réputé pour répéter longuement chaque plan, et ne tourner que quelques prises.

  • Ici, la chorégraphie de rue (piétons, voitures, entrées/sorties de champ) a été minutieusement préparée pour maintenir une illusion de spontanéité.

Aucune musique, aucun montage

  • Le refus de toute musique extradiégétique permet à Haneke de refuser l’émotion dirigée, et de forcer le spectateur à construire son propre jugement moral.

  • Le plan est aussi long que dans la réalité, sans ellipse.

Durée du plan-séquence :

près de 8 minutes.